lundi 16 mars 2009

La pression monte en ce lundi 16 MARS

1° ) Les dix nouveaux commandements d'après le café pédagogique

Taille de police La réforme (ce mot a-t-il encore un sens ?) de la formation des enseignants, qui fait actuellement l’objet de vives critiques, n’est-elle qu’un moyen de faire des économies, ou vise-t-elle à transformer en profondeur la culture et les ambitions de l’école de la République ? Nombre de points de vue exprimés dans les colonnes du Café le pensent.Mais s’il fallait un signe de plus, un indice, le projet de texte régissant l’organisation de la formation, que le Café s’est procuré, l’indique dans d’un bref paragraphe, définissant le « métier d’enseignant » d’une manière radicalement différente de ce qui était énoncé dans les « dix compétences fondamentales pour le métier d’enseignant », publiées en 2006 par un ministère dont l’orientation politique était pourtant proche…
Qu’on en juge :
1« maîtriser les disciplines et avoir une bonne culture générale »,
2« agir en fonctionnaire éthique et responsable »,
3« se former et innover » ne sont plus cités.
4« faire cours et faire apprendre » remplace « organiser le travail de la classe »,
5« individualiser son enseignement » remplace « prendre en compte la diversité des élèves »
6« évaluer les aptitudes » remplace « évaluer les élèves »
7« exiger des efforts et donner confiance »,
8« percevoir les talents »,
9« aider l’élève dans son projet d’orientation » viennent remplacer « travailler en équipe et coopérer avec les parents et les partenaires de l’Ecole ».Derrière les mots, toute une idéologie : celle de l’individualisme, des dons, du mérite. Le gouvernement pousse sa logique à l’extrême : le social n’existe plus, le collectif non plus.Ce texte est évidemment un épiphénomène, mais il en dit long sur ce qu’on veut faire à l’Ecole. C’est bien d’une révolution libérale qu’il est question. Rien d’étonnant, dans une telle perspective, que le ministre refuse d’entendre la question essentielle de l’articulation entre les phases de prise en main de la classe et le retour réflexif indispensable pour apprendre à faire son métier, comme le font les médecins ou les plombiers.


Pourtant, la question essentielle devrait être de construire une formation initiale permettant d’armer des jeunes enseignants à entrer dans un métier de plus en plus difficile :
- maîtriser les savoirs à enseigner, évidemment, mais aussi pouvoir commencer à comprendre les difficultés d’apprentissage des élèves, leurs différentes manières de vivre l’Ecole, l’irruption des difficultés sociales dans l’Ecole…
- apprendre à « faire classe » pour ne pas en rester à « faire cours », enchaîner les multiples micro-décisions qu’il faut prendre à chaud à tout moment de la journée, gérer sa propre activité sans trop s’user prématurément, gagner en sécurité personnelle…
travailler collectivement pour pouvoir ensemble s’attaquer aux difficultés du métier et à sa pénibilité, mesurer l’importance du travail d’équipe pour faire vivre l’école, assumer les relations avec les familles et les « partenaires » avec le recul nécessaire…On en est loin. Et une chose semble certaine : si dans les prochaines semaines ce projet reste en place, les élèves et les enseignants n’ont pas fini d’en payer le prix.M. Sapiès.


2°) Emmanuel Brassat de l'IUFM de Versailles

Je suis heureux et étonné de retrouver l'association Reconstruire l'école dans notre mouvement, dans la défense d'un enseignement public et démocratique.Je voudrais seulement rappeler à la mémoire commune que beaucoup de membres de cette association furent d'ardents partisans de la dénonciation des IUFM, de la thèse de la nocivité et de l'incurie de tout discours pédagogique. Thèse sur laquelle l'actuel gouvernement, croyant se rallier une partie de la gauche universitaire, a pu s'appuyer pour immoler nos établissements, comme l'avait fait Vichy avec les défuntes Ecoles Normales d'instituteurs et d'institutrices.Je sais que ce n'est pas la même chose que ce que fut le système des EN et ENS, et ce qu'aura été l'IUFM depuis 20 ans...Mais il ne faudrait pas oublier qu'il y avait, autour de la mise en place des ces établissements, justement, un enjeu de formation professionnelle des enseignants qui impliquait de se soucier de la réalité des pratiques pédagogiques.Un tel souci était d'ailleurs déjà celui du sociologue Bourdieu dans sa critique du système scolaire comme lieu de reproduction sociale inégalitaire, celui de concevoir une pédagogie objective émancipatrice. Qu'il ait été décliné de façon parfois médiocre, car trop éloigné d'une véritable rigueur scientifique, culturelle et philosophique, n'impliquait pas de vouloir le liquider. Qui désormais saura encore un peu sérieusement la musique et le dessin parmi les professeurs des écoles et le rôle éducatif de ces pratiques? Professeurs auxquels, par ailleurs, plus aucun inspecteur ne venait enseigner la juridiction de l'école depuis longtemps et qui voyaient le temps passé dans les classes durant leur formation diminuer chaque année...

Si ce n'est à devoir y être, dans les classes, pour seulement être évalué, surtout pour être évalué, toujours et encore évalué.L'évaluation de la maternelle à l'université, pour donner tort à L.Schwartz qui la réclamait en 1967, voilà ce qui compte...Qui saura encore sous peu qui furent Rollin, Comenius, Pestalozzi, Jullien, Froebel, Kergomard, Marion, Buisson,Cousinet, Decroly, Dewey, Démolins, Montessori, Aichorn, Freinet, et à quelle orientation pédagogique correspondait le plan Langevin-Wallon ?Qui saura encore que de 1945 à 1975, de nombreux enseignants du secondaire et leurs représentants se sont opposés, cela contre des gouvernements de droite et de gauche, à toute unification du primaire et du secondaire, à toute hypothèse d'un collège unique, n'ayant jamais connu le mouvement de l'Université nouvelle d'avant 1914...

Bref, il serait souhaitable que tous ceux qui ont participé, indirectement et directement au procès des IUFM, à leur remise en cause publique violente, puissent aujourd'hui expliquer de quelle nature est leur engagement dans, non pas seulement la défense des concours, des disciplines et de la fonction publique nationale d'enseignement, (c'est consensuel) mais également dans la conception que l'on a de ce qu'est l'enseignement et de ses modalités d'exercice, et pas seulement en séminaire doctoral à l'université ou dans les classes préparatoires.L' "Ecole" publique va encore, je crois, de la maternelle à l'université...Peut-être que l'invention pédagogique, le souci démocratique et la formation professionnelle des enseignants ont partie liée.A invoquer de grands slogans communs, dans l'urgence, on oublie que ce qui a contribué à affaiblir l'institution scolaire, ce n'est pas le puéricentrisme, mais plutôt l'absence d'ambition intellectuelle pratique de cette institution quant à ses méthodes d'enseignement et à sa vision des élèves, des étudiants, cela de la maternelle à l'université; hormis la volonté de préserver le circuit des élites (de plus en plus isolées) et les statuts (de plus en plus attaqués).

La Droite savait fort bien qu'il n'y avait pas de consensus réel dans, par exemple, la défense des programmes de l'école primaire, des Rased, des ZEP, et qu'il était donc facile de s'en prendre à la structure nodale du recrutement de la plus grande masse des enseignants, l' "IUFM", parce que personne ne savait plus véritablement quelle était sa place institutionnelle profonde, ni non plus encore la nature de sa nécessité fonctionnelle et politique.Je prends ainsi le risque de réveiller de forts méchants débats, mais n'ayant, pour ma part, jamais idéalisé les IUFM, je me crois autorisé à pouvoir et devoir les défendre.L'ignorance, la perte de mémoire, le dogmatisme, les conventions finalement apolitiques, voilà ce qui nuit aussi aux institutions publiques et à l'esprit démocratique.

Emmanuel Brassat.IUFM de Versailles.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire