lundi 16 mars 2009

Propos d'un député

Réponse de Marcel Rogemont, député d’Ille et Vilaine, à la lettre du Collectif National Formation des Enseignants

Réponse reçue le 13 mars au courriel envoyé le jour même. Tous les députés et sénateurs de la région
bretagne en ont été destinataires.

Cher Monsieur,
j’ai bien reçu votre courriel. Je l’ai lu avec attention.
Vous m’interpellez sur la mise en place de la mastérisation dans le cadre de la formation des maîtres.
Non content de supprimer 13 500 postes, le gouvernement UMP s’apprête à priver les futurs enseignants d’une réelle formation qui leur permettrait de faire convenablement leur métier.
Cette réforme de la formation des maîtres est injuste et inapplicable.

Injuste, parce qu’en repoussant d’un an l’entrée de jeunes dans la fonction publique, elle prive de nombreux étudiants d’une rémunération dont ils ont besoin pour faire leurs études.
Injuste, parce que toutes les universités n’offriront pas les masters exigés pour entrer dans l’enseignement, ce qui créera une inégalité entre les territoires.
Injuste, car de nombreux départements ruraux, vont voir leur antenne IUFM fermer, en raison de l’asphyxie financière imposée aux universités. Pourtant, il est nécessaire de rendre attrayant le métier de professeur des écoles en milieu rural – à moins que l’on ne ferme encore un peu plus d’écoles communales.
Injuste, parce que le gouvernement UMP sacrifie la formation professionnelle. En réduisant des deux tiers les stages de formation, il prend la responsabilité de laisser devant des élèves de jeunes enseignants qui ne maîtrisent pas le métier. Ce serait catastrophique pour les jeunes maîtres, mais aussi pour les élèves.
Enfin, cette réforme est inapplicable parce quune fois de plus, le gouvernement veut l’imposer sans concertation, à la va-vite.

Même si cependant le gouvernement semble reculer puisqu’il définit un nouveau calendrier qui verrait l’étalement de l’application cette réforme jusqu’en 2011. Il reconnaît par là-même les remarques formulées par les professionnels mais aussi par les élus du groupe socialiste de l’assemblée nationale auquel j’appartiens. On peut déplorer que le seul motif de la réforme pour le gouvernement est de racler les fonds de tiroir de l’État en diminuant encore de 20 000 le nombre des postes d’enseignant. C’est le plus important plan social qu’ait connu notre pays !
J’entends bien comprendre cette réforme à l’assemblée nationale telle qu’elle nous est présentée.
Je tenais à vous en informer.
Cordialement
Marcel ROGEMONT Député,Conseiller général


Ci joint la lettre du collectif national :
Lettre aux députés et sénateurs
Le 13 mars 2009
Monsieur,
Le gouvernement a engagé un processus de réforme de la formation des enseignants, dit de « mastérisation, qui a été ouvert par le Président de la République le 2 juin dernier. Or, pour toutes les parties prenantes (universités, désormais par la voix de la Conférence des Présidents, départements universitaires, IUFM, sociétés savantes, organisations syndicales et professionnelles, syndicats étudiants et fédérations de parents d’élèves…), s’il est normal de vouloir améliorer la formation des maîtres, le projet gouvernemental tourne le dos à cet objectif. Certains de ses défauts sont particulièrement pointés :
- L’année de formation en alternance après le concours est supprimée sans être compensée par une formation pré-professionnelle de qualité au cours de la licence et du master. Les lauréats du concours devront ainsi assurer immédiatement un plein temps, sans véritable préparation, ni accompagnement. Les difficultés des débutants déjà remarquées dans la formation actuelle, seront considérablement amplifiées.
- La place du concours de recrutement lors de l’année de mastèr 2 retarde de fait d’un an la première rémunération des étudiants, sans vraie compensation financière permettant à tous de faire des études dans de bonnes conditions. Aucune mesure sérieuse n’est prévue pour favoriser l’accès au métier des jeunes issus des milieux populaires.
- La deuxième année du master cumule différentes contraintes inconciliables : préparation à un concours difficile (d’autant que le nombre de postes baisse), formation à la recherche, formation professionnelle.- Les épreuves des concours ont été conçues sans concertation, dans la précipitation, avec comme seul objectif la réduction des coûts. Leur conception hybride ne permet de garantir ni les compétences professionnelles, ni les connaissances disciplinaires.
- L’absence de cadrage national et la mise en concurrence des universités va renforcer les inégalités entre les villes, les départements et les régions. De plus, l’existence des sites IUFM, généralement installés dans les locaux des anciennes écoles normales, est menacée dans les départements ruraux.
- Les possibilités de formation continue seront dramatiquement réduites dans le premier degré.
- Le gouvernement refuse, pour des raisons purement idéologiques, de concevoir la coordination et l’organisation interuniversitaires des formations par les IUFM (ou des institutions similaires intégrées aux universités), pour permettre une véritable mutualisation des forces, des connaissances et des possibilités de recherche.
Si le projet était maintenu en l’état, nous irions vers une grave et durable détérioration de la qualité du service public d’éducation, alors qu’au contraire, les instances européennes engagent les Etats à un investissement conséquent pour l’élévation de la qualité de la formation des enseignants.
De surcroît, alors que cette réforme rompt le lien organique entre la République, ses maîtres et son école, elle a été engagée en dénigrant toute notre histoire démocratique, elle n’a pas fait l’objet d’une concertation avec les parties prenantes et elle n’a donné lieu à aucun débat parlementaire. Or, la formation des maîtres est un enjeu national, car définir la manière de former les enseignants, c’est déterminer les formes que prendront l’éducation et l’instruction des jeunes générations pendant les quarante années suivantes…

Aucune réforme de l’importance de celle-ci ne devrait pouvoir se décider sans que les représentants du peuple aient à en débattre, à indiquer des orientations, voire à légiférer.

En cohérence avec les doléances exprimées par les universités et leurs présidents le 19 février dernier, nous vous demandons donc d’intervenir auprès du gouvernement pour qu’il suspende sa réforme, qu’il maintienne jusqu’en 2010 au moins les concours de recrutement dans leur configuration actuelle et qu’il mette à profit ce délai pour organiser la concertation et les négociations nécessaires pour concevoir, dans le respect des parties prenantes, une reforme digne de ce nom.
Nous vous demandons également de prendre position publiquement en faveur d’un débat parlementaire sur ce sujet de la plus haute importance pour l’avenir de notre société et vous saurions gré de nous faire connaître votre accord.
Vous remerciant de votre intérêt pour la formation des enseignants et, au-delà, pour l’école, veuillez croire à notre dévouement au service public d’éducation et à nos sentiments respectueux.

Coordination Nationale des Enseignants

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